Les cavités naturelles de la basse vallée de la Biaysse

(Freissinières, Hautes-Alpes, Francia)

 

Les cavités naturelles sont des lieux privilégiés où observer le témoignage des activités humaines anciennes, car elles sont souvent de véritables pièges de tout ce qui y est introduit, qui peut s'y conserver très longtemps, scellé dans des couches ordonnées, à l'abri de l'érosion externe.

Les nombreuses cavités de la basse vallée de la Biaysse, dans la commune de Freissinières, ne sont pas une exception, ainsi que l'on y a retrouvé quelques-uns des sites archéologiques les plus anciens du Briançonnais, remontant à l'âge du bronze ancien (env. 2000 ans av. J.-C.). Ces sites sont actuellement en cours d'étude.

Contrairement à ce que l'on croit parfois, au cours de la préhistoire les grottes étaient rarement utilisées d'habitat: elles servaient plutôt de sépulture, cachette, atelier, magasin…

Même après la préhistoire, les cavités de Freissinières ont continué à être utilisées, de façon discontinue, à l'époque romaine, au moyen âge et surtout à l'époque moderne (XVIe à XVIIIe siècle), quand elles ont servi de refuge pendant les guerres de religion.

Les cavités de Freissinières constituent dans leur ensemble un milieu naturel et humain très délicat. Celui qui y entre doit savoir se conduire civilement: il ne doit pas creuser des trous dans le terrain, ni graver, dessiner ou écrire sur les parois, ni planter des clous de grimpée, ni abandonner des ordures, excréments, morceaux d'équipement cassés, carbure, allumettes, flambeaux etc., car en faisant ainsi il endommagerait irrémédiablement le contexte archéologique et compromettrait les possibilités d'étude et compréhension du passé le plus ancien de l'homme.

La Balme Ruissias

La Balme Ruissias est l’une des grottes de la basse vallée de la Biaysse, située à 1 300 m d’altitude, au quasi-sommet d’une petite falaise affleurant des grands talus d’éboulis qui longent le pied Sud-Ouest de la dorsale rocheuse à sommet plat du Clot du Puy, qui marque la limite de la vallée de la Durance avec la basse vallée de la Biaysse. La cavité se trouve à peu près à mi-distance entre le Gouffre de Coufourent et le sillon du Col d’Anon, au lieu-dit les Costes.

L’entrée de la cavité a l’aspect d’une fissure haute et étroite, bien visible et aisément identifiable de la plaine de la Biaysse, au Sud du hameau du Plan.

Vers 1980, une exploration spéléologique de la Balme Ruissias a comporté la découverte fortuite d’un important mobilier en bronze. A la suite de cette découverte, tenue réservée jusqu'à 1995, les fouilles clandestines qui avaient déjà eu lieu dans la cavité aux années '50-'60 ont été renouvelées.

En 1995, au cours d’une exploration archéologique régulière, des restes osseux humains ont été récoltes dans une poche naturelle à contre-pente le long d'une paroi: ces restes et en particulier une dent, ayant appartenu à un individu âgé de 14÷16 ans, ont confirmé provisoirement l’exactitude des souvenirs des spéléologues quant à l’emplacement du lieu de découverte du mobilier métallique.

Ces restes humains étaient associés avec quelques os de mammifères et d’oiseaux, d'abondants os de micromammifères et des restes végétaux carbonisés ou demi-carbonisés.

D'après ces premières observations, on a formulé une hypothèse fonctionnelle et chronologique, identifiant dans la Balme Ruissias un probable site funéraire collectif datant du bronze ancien.

Les fouilles géo-archéologiques de 1999-2000, effectuées par une équipe italo-française pour le compte du Service Régional de l'Archéologie de Provence - Alpes - Côte d'Azur, ont confirmé l'hypothèse.

Quant à la fonction, la découverte de nouveaux matériaux osseux humains et l'étude anthropométrique de l'ensemble de la collection osseuse, bien que très fragmentée, issue de la cavité ont élevé à quatre le nombre minimum d'individus qui y ont été inhumés, dont deux adultes (un mâle et une femelle), un jeune et un immature. Le choix du lieu à destiner à chambre funéraire a dû être influencé non seulement par la présence d'eaux vives et par la couleur rousse (d’où le toponyme Ruissias) des parois à l'entrée (deux éléments qui reviennent dans d'autres sites de ce type, tels que la Grotte de Rame et Pallon 5), mais aussi par la topographie interne de la cavité.

Quant à la chronologie, la découverte d'une tuyère métallurgique et de céramiques grossières, appartenant à un minimum de quatre récipients, dont les caractères typologiques s'accordent aux productions céramiques régionales du bronze ancien (civilisation du Rhône), a confirmé la datation déjà indiquée, plus éloquemment mais moins fiablement quant au contexte, par le mobilier en bronze récupéré par les spéléologues. En considération de leur état remanié, aucun des charbons de bois et des autres pièces organiques a été jugé propice à restituer des datations 14C fiables.

En raison de la rareté de cavités funéraires collectives des débuts des âges des métaux dans les massifs alpins internes et du manque de documentation sur les sites de ce type précédemment répertoriés, le gisement de la Balme Ruissias constitue donc une source potentiellement très importante pour l'étude de la biologie et de la religion des populations du bronze ancien haut-alpin. Il représente également un nouveau et significatif jalon entre les cavités funéraires de l'Isère (Grotte de Fontabert et cavité sans nom à la Buisse - Voreppe, Grottes de l'Échaillon à Tullins…), de la Drôme (Grotte des Sarrasins à Mirabel-aux-Baronnies, Grotte du Fournet à Montmaur-en-Diois, grotte de Saint-Nazaire-le-Désert, également en Diois…) et du Sud-Ouest des Hautes-Alpes (Grotte des Aiguilles à Montmaurin, Grotte de Roche-Rousse à Étoile-Saint-Cyrice) d'un côté et la seule connue sur le versant piémontais des Alpes Occidentales (Bòira Fusca à Cuorgné) d'autre côté.

Pour en savoir plus: studio@antropologiaalpina.it

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